Entre chien et loup. [Pv Sunny]

Un vieil homme toussa. Une toux trop grasse d’un homme qui avait trop bu et fumé ce soir là, trop bu et fumé toute sa vie. Personne ne se préoccupait de lui, pas même la serveuse qui essuyait des verres, dans un coin. L’homme tomba de sa chaise. Il se roulait par terre en gémissant qu’il avait mal, la main à l’endroit où, approximativement, se trouvait son poumon gauche. De ses doigts fins mais moites ce soir là, Crystal tapotait les touches de son portable, au fond de sa poche. Oh, elle n’avait pas l’intention d’appeler des secours, ne vous y trompez pas. Elle faisait ça quand elle était indécise, depuis quelques temps. C’était devenu une sorte de tic. Ce qui, quand elle était impatiente en plus d’être indécise, pouvait s’avérer un peu dérangeant pour les gens qu’elle appelait sans le faire exprès.

Le patron du bar s’approcha d’elle, derrière son comptoir. Il ne la connaissait pas, c’était la première fois qu’elle venait ici, dans ce bar mal placé, au fond d’une ruelle sombre et reculée. Mais le patron, sous ses cheveux blancs tellement sales qu’ils en étaient jaunes, était un connaisseur. On ne la lui faisait pas, à lui. Une jeune fille aux jolies boucles blondes et aux traits fins n’aurait pas dû trainer dans un établissement comme le sien. Celle-ci était différente. Rien qu’à sa manière de tenir cette cigarette, du bout des doigts, l’air relâché mais tellement classe à la fois. Et elle avait l’air tout sauf heureuse. Cette fille avait même l’air de n’avoir jamais été heureuse. Terriblement gracieuse dans son malheur, elle fumait cigarette sur cigarette depuis une heure qu’elle était assise sur ce tabouret de bar. Elle n’avait encore rien commandé. Voilà pourquoi il s’approchait. Elle devait avoir soif. Et son instinct lui disait que cette minette avait besoin d’un alcool. Fort.

La porte du bar s’ouvrit soudain dans un grand bruit. Les trois petites clochettes suspendues au dessus tintèrent dans un joyeux ensemble. Joyeux… Ce n’était pas vraiment l’ambiance de ce bar. C’était carrément glauque, oui. Rien que la ruelle qu’il fallait emprunter pour y arriver vous filait la chair de poule. De quoi bien retourner l’idée dans sa tête, et se demander si vraiment, aller boire un ver là-bas était une question de vie ou de mort, ou si l’on pouvait s’en passer. Beaucoup de gens faisaient demi-tour à la deuxième poubelle, celle d’où un chat lépreux sortait en hurlant à la mort une fois sur deux. Lorsque Crystal était passée, ils avaient été deux à sortir. Elle avait failli avoir une crise cardiaque, mais avait continué à avancer, imperturbable. Ici au moins, elle ne croiserait personne qu’elle connaissait. Juste quelques ivrognes à l’œil de verre et à la jambe de bois, qui se contenteraient de la reluquer pendant un quart d’heure, des pensées perverses à l’esprit. Mais aucun ne se lèverait de sa chaise pour l’aborder. C’était une bonne chose. Elle avait envie d’être seule, pour une fois. Entièrement seule.

C’est alors que contraire exacte de ce dont elle rêvait se produisit. D’une part, le patron lui tapota le bras, gêné de la déranger en pleine réflexion. Elle le regarda, il la regarda. Ils se regardèrent. Un moment comme ça, sans bouger, sans rien dire. Crystal écrasa son mégot dans le cendrier déjà bien plein devant elle, et l’homme la regarda faire. Lentement, sans se presser, elle sortit un paquet de son sac et en alluma une autre, toujours sous le regard du barman. C’est alors qu’il se décida enfin.

- Mademoiselle, la salua-t-il en inclinant la tête.

- Monsieur, répondit Crystal en faisant de même.

- Vous prendrez bien quelque chose. Je pense avoir ce qu’il vous faut… J’ai du…

- Non, l’interrompit la jeune femme d’un ton sans chaleur, mais aucunement méprisant. Merci, je ne prendrai rien.

- Mais… Si vous voulez rester ici, vous savez qu’il vous faut consommer…

Ce fut à ce moment que se produisit le deuxième évènement. Réfléchissant à une excuse pour rester dans ce bar sans rien avoir à commander, Crystal tourna légèrement la tête en direction de la salle. Là, à cette table au fond… Cette jeune fille blonde aux cheveux en bataille, elle n’était pas là tout à l’heure. Ne voyant pas ce que cela avait d'intéressant, Crystal allait reporter son attention sur le barman, quand soudain, sans prévenir, la jeune fille blonde se leva de sa chaise, la faisant tomber par terre dans un grand bruit, et se dirigea droit vers le comptoir, sans faire attention à tous les regards vitreux braqués sur elle. Crystal était la seule à ne pas y faire attention. Elle commençait à se résigner, elle allait devoir commander. Et c’est bien évidemment sur Crystal que la jeune fille fondit, s’asseyant sur le tabouret le plus proche du sien. Ces sièges n’étaient pas très écartés les uns des autres… Lorsque la fille pivota sur le sien, ses genoux entrèrent en contact avec ceux de Crystal, qui croisa vivement les jambes pour rompre ce même contact. Et, alors qu’elle pensait être déjà arrivé à un point bien avancé dans la catégorie « je ne veux parler à personne mais le destin n’a pas l’air du même avis » et que le barman s’apprêtait à insister, la jeune fille lui adressa la parole. Super...

J’en reviens pas ! Elle s’est regardée au moins, avant de me poser la question ? Franchement, juste parce que tu appuyé à un mur, en train de chercher ton portable dans ton sac, on te prend pour une péripatéticienne ! L’autre, elle m’aborde, limite agressive, avec son « c’est quoi tes tarifs ? » et « C’est mon territoire ici ! » Elle avait qu’à pisser pour le marquer, son territoire à la noix ! J’y crois pas, et maintenant, j’me retrouve dans ce bar, limite illégal, sans joint ni barrette, juste mon paquet de Lucky. Je m’en allume une, tire une bouffé et me détendit un peu. Je dévisager chaque personne du bar, pour la plupart, des ouvriers, ayant finit leur journée, et venant, boire une demi pour finir leur journée, certainement des habitués. Soudain, mon regard s’arrêta sur une jeune femme au bar, dans mes âges, pensives. Elle n’avait rien à faire ici, comme moi. Elle savait peut-être ou je pourrais me fournir.

Je me levais, faisant tomber ma chaise, qui été bancal, tous le monde se retourna vers moi, sans que j’y fasse vraiment attention. Mon téléphone sonna. « Sweetly » s’afficha sur l’écran ! Vanessa m’appelait. Comme elle me manquait, tous chez elle, ça me fit penser à John, qui lui ne m’avait pas appelé. C’est con, on en sortait à peine, de la crise « je t’aime autant qu’elle –mais je te veux à moi. » C’est vrai qu’à Baton Rouge, Van et moi, on était dans le groupe des Planeurs, onc, on habité la même baraque, on allait au même faite, on avait les même amis. Alors que John, il faisait parti des Lullabys, et donc, il bossait plus, habiter à l’autre bout du camping, Sortais pas souvent, et quand on se voyait, on s’égueulait. On en sortait à peine, et je partais. Le téléphone arrêta de vibrer dans ma main, je n’avais pas décroché. J’avançais vers la jeune fille, m’assit à côté d’elle, me cogna le genou dans le sien.

-Pardon, je vais peut-être vous paraître déplacer. Mais, vous avez l’air comme moi de n’avoir rien à faire dans ce bar. Je viens de débarquer, et je me demandais si vous connaissiez un fournisseur…

Alors là, elle était complètement scotchée. Lorsque la petite blonde avait pris une grande inspiration, puis avait ouvert la bouche pour parler, Crystal avait parié sur un « Bonjour, excusez-moi, je suis nouvelle ici, et je cherche l’hôtel de ville… », bref, un truc du genre gentille-petite-fifille. Ceci dit, avec le look de son interlocutrice, elle aurait dû s’en douter. Crystal n’avait rien contre les percings, ni contre les tatouages. Mais ce n’était pas pour elle. Tous ces attributs allaient parfaitement à la jeune fille assise à ses côtés. Ça convenait surtout parfaitement à ce qu’elle venait de dire. Pas que les tatoués soient tous des drogués hein, au contraire. Mais vous m’avez comprise. Bref, Crystal avait été vraiment surprise, lorsque d’une voix assurée, la jeune fille l’avait abordée :

- Pardon, je vais peut-être vous paraître déplacée, avait-elle commencé.

Une jeune fille polie. Ce n’était pourtant pas ça qui allait lui assurer les bonnes grâces de Crystal. L’autre aurait pu l’insulter de tous les noms en commençant sa réplique, ça aurait eu le même effet. Mais elle commençait bien, et la suite prévoyait d’être tout à fait dans le genre « Je cherche l’hôtel de ville ». Crystal attendit donc la suite sans impatience, aucune.

- Vous avez l’air comme moi, continua la jeune fille, de n’avoir rien à faire dans ce bar.

Comme elle ? Oh non, Crystal n’était pas comme elle. Si cette fille savait… Celle-ci continuait, imperturbable.

- Je viens de débarquer, et je me demandais si vous connaissiez un fournisseur…

C’est là que Crystal en était restée bouche-bée. Enfin, métaphoriquement. En vrai, ses lèvres restèrent closes et se pincèrent même légèrement. Puis elles s’entrouvrirent pour laisser passer la cigarette, et se refermèrent dessus l’espace d’un instant. Dans la poche de son blaser, les doigts pianotaient sur les touches, composaient un numéro au hasard, l’effaçaient, et recommençaient sans cesse. La fille attendait une réponse. D'accord, en fait elle était comme elle. Peut-être. Le patron du bar les observait du coin de l’œil. Après la déclaration de l’inconnue, il était reparti à ses affaires, en faisant mine de ne pas les écouter. Crystal n’étais pas dupe. Elle abandonna son portable, et plongea la main dans la poche de son jean, cette fois, pour en sortir un billet froissé. Elle le coinça sous le cendrier, fit un signe de la main au barman qui l’observait toujours, et se leva. L’homme lui sourit de l’air gêné de celui qui a surpris une conversation dont il aurait pu se passer. Elle lui rendit un vague sourire et, sans un regard pour celle qui l’avait interpelée, Crystal traversa le bar et sortit.

Le retour à l’air libre lui fit un bien fou. Il faisait frais, en cette fin d’après-midi, sur New-York. Un léger vent s’engouffrait dans la ruelle depuis la grande avenue. Ses cheveux blonds voletèrent légèrement autour de sa tête avant de se reposer doucement sur ses épaules. L’air pur était quand même plus agréable que la fumée de la vingtaine de cigarettes allumées dans ce bar. Crystal regarda sa propre cigarette à peine entamée, qu’elle tenait toujours du bout des doigts. Après un soupir de lassitude, elle la jeta à ses pieds et l’écrasa de sa botte. C’était le genre de choses qui lui arrivaient, ces temps-ci. Elle se prenait à apprécier l’air pur de l’aube ou du crépuscule. Alors elle éteignait sa clope, jetait son paquet par-dessus son épaule, et allait boire un café ou un soda. C’était extrêmement gênant. Elle n’aimait vraiment pas, mais alors pas du tout, la sainte nitouche qu’elle allait assurément devenir, si elle continuait sur cette voie. Le pire était que ces soudains élans ne lui arrivaient que depuis environ une semaine. Elle savait très bien ce qui les avait déclenchés, il y a une semaine. Et autant dire que ça ne lui plaisait pas du tout. Félicia, elle, était toute contente. Elle disait que c’était bien, que son amie mûrissait, qu’elle s’assagissait. Comme si Crystal allait devenir « sage ». Non, elle ne se laisserait pas faire. Bien décidée à rester ce qu’elle avait toujours été depuis « Le Réveil », elle sortit une énième fois le paquet de cigarettes de sa poche et en alluma une.

Là. Elle était prête à faire face à cette étrange jeune fille semblant légèrement plus jeune qu’elle. Si elle avait pu l’éviter et partir sans demander son reste, elle l’aurait fait. Mais la fille blonde avait l’air décidée, et elle ne la lâcherait sûrement pas comme ça…

- Ai-je à ce point l’air d’une droguée ? demanda calmement Crystal, tournant le dos à son interlocutrice.

Elle était sortie du bar, avant d’avoir déposé un billet sur le comptoir. Comme une idiote, je l’avais suivit. Je ne la connaissais pas ! Et elle voulait certainement que je lui foute la paix, mais non de non, je ne partirai pas tant que je n’aurai pas ma réponse, son air suffisant ne me plaisait pas trop, et encore moi le fait qu’elle écrase sa cigarette à peine commencé sur le trottoir, au prix que ça vos ! Tiens, elle fume des Vogues, pas étonnant. J’en étais à la fin de ma Lucky, la laissant tranquillement se consumer entre mes doigts. Dehors, une bourrasque de vent nous surpris, et de l’air frais s’engouffra dans mes poumons, j’avais l’impression d’être à BR. Ca faisait une semaine que j’étais ici, et je n’avais pas encore eu le droit a un petit peu d’air frais, mais, cet air pur, ma rappelait peut-être trop BR pour que j’y ai le droit. Je tirai une taff de ma cigarette, pour que l’air pur parte, que me souvenir s’en aille.

-Ai-je à ce point l’air d’une droguée ?

Je fus prise de cour, je n’avais pas pour habitude de juger els gens, ni, rien qu’à leur apparence physique de dire si un tel ou une tel était drogué. Mais, si elle disait « à ce point », ça voulait dire qu’elle en était une, ou alors, qu’elle avait arrêté. Mais en tout cas, qu’elle ya avait touché sérieusement dans sa vie. Je cherchais comment formuler ma phrase pour ne pas paraître impoli, envers cette inconnue.

-Je n’ai pas pour habitude de juger les gens à leur apparence, et je n’ai pas non plus de don pour déterminé qui est drogué ou pas. Mais, votre « à ce point », me laisse entendre que vous en êtes une, ou du moins que vous en étiez une….

J’espérais ne pas l’avoir importuné, et c’est pour cela que je laissais ma phrase ne suspens, attendant une réponse révélatrice de l’intéresser. Mais, je pouvais avoir cette réponse, comme elle pouvait partir, en me faisant comprendre qu’elle ne désire pas que je le suive. Une taff, fin de ma Lucky, je la jetais négligemment sur la chaussée, le trottoir fraichement mouillé l’éteignit dans un bref « Pchh » familier.

Crystal se retourna enfin. La jeune fille avait l’air surprise, bizarrement. Sa réponse avait-elle été trop directe ? Aurait-elle dû répondre autrement, faire comme si de rien n’était, comme si elle ne savait pas de quoi la blonde parlait quand elle parlait de « fournisseur » ? Crystal avait peut-être beaucoup de défauts, mais elle n’était pas fausse et restait franche, quoi que ça puisse lui coûter. La fille qui lui faisait face reprit vite ses esprits, et son visage se ferma, jusqu’à ce que la plus petite trace de surprise en soit éradiquée. Un petit moment encore, et un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres. Un petit sourire de satisfaction, celui de celle qui a mis le doigt sur quelque chose d’important. Puis son visage de « poupée destroy » redevint inexpressif. Elle réfléchissait, apparemment. Elle pesait le pour et le contre de ce qu’elle allait dire. Sans doute cherchait-elle à ne pas vexer Crystal… Au point où en était cette jeune fille, à demander un fournisseur à voix haute, dans un bar bondé et franchement craignos… Elle avait l’air de le chercher depuis longtemps, son fournisseur. Lorsqu’elle releva la tête, la fille parla :

- Je n’ai pas pour habitude de juger les gens à leur apparence, commença-t-elle, et je n’ai pas non plus le don pour déterminer qui est drogué ou pas.

Bien, intéressant. Mais encore ?

- Mais, votre « à ce point » me laisse entendre que vous en êtes une, ou du moins que vous en étiez une…

Et elle laissa sa phrase en suspend. Bien. Cette fille avait percé son petit secret qui n’en était pas un, de toute façon. Car si Crystal avait laissé passer ce « à ce point » révélateur, ce n’était pas par hasard. Cette fille voulait un fournisseur ? Très bien, elle en aurait un. Et le plus vite serait le mieux, elle n’avait pas du tout envie de passer sa soirée à discuter avec cette fille.

- Hum, tu es au courant que la drogue est illégale dans notre beau pays qu'est l'Amérique ? demanda Crystal, d’un ton dans lequel, si l’on était fort, on sentait pointer l’ironie.

Un chat noir tout pelé sortit en hurlant d’une poubelle, et passa en trombe devant elles, tout droit vers le bar. Ça ne réfléchit pas trop, un chat. Dès que l’animal eut franchi la porte, des cris s’élevèrent. Puis des miaulements apeurés. Le pauvre, on le chassait à coup de balai. Crystal suivi le chat des yeux quand il repassa dans l’autre sens, et retourna se réfugier dans sa poubelle. Après cette pose, elle continua :

- Si j’étais toi, je ne crierai pas sur tous les toits que je cherche un fournisseur. Les murs ont des oreilles à New-York, et le commissariat n’est jamais bien loin.

Elle aurait pu se dispenser de cette leçon de morale, que la jeune fille ne méritait sans doute pas. Ou peut-être que si. Si les rôles avaient été inversés, ça n’aurait vraiment pas plu à Crystal, de se faire dire ce qu’elle devait faire ou ne pas faire. Et pourtant, là, c’était elle qui donnait des conseils à cette fille qui n’en demandait pas. Voilà qu’elle devenait limite raisonnable. Comme lorsqu’elle avait jeté sa cigarette à peine entamée, la jeune femme se sentit troublée. C’était vraiment étrange, de ne pas se sentir aussi insouciante qu’on l’était avant. La fille releva la tête. Elle l’avait écouté attentivement, sans le sourire moqueur que Crystal aurait affiché, elle. Et maintenant, elle s’apprêtait à lui répondre. Si cette fille lui ressemblait vraiment, alors la réponse n’allait pas être très aimable…

Bon, elle commençait à m’énerver celle-là. Je m’étais trompé, elle n’était pas du tout comme moi. Cette gaspilleuse de clope, avec ses air supérieur de martyr me taper sur le system. Elle croyait quoi, elle n’avait pas plus de 2 ans par rapport à moi, et on aurait dit qu’elle parlait à ça fille. « Ne fais pas ci, moi je te conseille de machin ». Je croyais partir, en furie, mais mon honneur, qui parfois prend plus de place que je ne le voudrais, ne le supporter pas.

-Je sais très bien que ce n’est pas légal, sinon je n’irai pas le demander à une inconnue dans un bar glauque. Ensuite, ce bar doit lui aussi, faire des trucks pas nets, si tu remarque les hommes qui sortent béha du rideau à gauche du comptoir. Et, de plus, je me demande encore lequel est le plus discret, un bar glauque ou un trottoir. Mais après tout, en tant qu’actuel ou ancienne drogué, vous devez mieux savoir que moi c’est chose là, après tout, ce n’est pas comme si j’en étais une.

Je lui tourner le dos et commencer à marcher, en fouillant dans mon sac pour me trouver une clope. Mon égo était satisfait, mais pas mon envie d’un pet. ½, c’est déjà pas mal non ? Soudain, le chat de tout à l’heure, allongé de tout son long sur le trottoir, miaula un grand coup. Je lui avais marché dessus. Il partit en courant, triste je revins sur mes pas, et entre deux poubelles, lui tendit ma main. Il me renifla longuement, avant de s’approcher de moi, je faisait de petits gestes doux et clame. Rapidement, il ronronna et il se retrouva dans mes bras. Au bout d’un petit moment, je le relâchais et finit par trouvais mon paquet, je m’allumais une cigarette et m’apprêtais à repartir quand l’inconnue m’apostropha.

La jeune fille sembla bouillir de l’intérieur une le temps d’un battement de cil. Une demi-seconde plus tard, elle retrouvait son visage fermé et son allure décidée. Elle n’était pas beaucoup plus jeune que Crystal. Un an ou deux, seulement. On aurait dit, pourtant. Crystal était grande. Son visage pourtant fin était par ses nuits de débauche. On lisait dans ses yeux une fatigue que les jeunes n’ont pas, d’ordinaire. Elle n’était pas fatiguée au sens propre du terme. Non, elle était pleine d’énergie. Mais elle n’était pas dupe. Ce monde était ingrat et injuste au possible, elle le savait. C’est la fatigue d’une fille qui en avait tellement vu dans sa courte vie, d’une fille que plus rien n’étonnait. On sentait l’expérience dans son regard froid, sans une pointe de compassion. C’était une fille qui n’attendait plus rien de la vie, à dix-neuf ans seulement, et qui n’avait plus rien à perdre. C’est pour cela qu’on la croyait bien plus vieille que Sun. Car celle-ci faisait plus adolescente. Plus insouciante. Ses yeux verts pétillaient, derrière son air sérieux. Son maquillage coloré, ses percings, et même la petite étoile sur son poignet, faisaient d’elle une ado certes excentrique, mais une ado quand même. Une grande enfant. Qui profite de la vie tant qu’elle le peut, joyeuse mais lunatique. Heureuse, presque. Toutes ces choses les opposaient tellement… Ces deux jeunes filles dans une ruelle glauque, entourées de chats malades ou vraiment très vieux, se dévisagèrent un moment. Puis, la réponse fusa.

- Je sais bien que ce n’est pas légal ! riposta la fille. Sinon je n’irais pas le demander à une inconnue dans un bar glauque.

Crystal hocha la tête, silencieusement. Elle avait raison. Ou pas. Tout dépendait de quel côté on voyait la chose. Elle, ne s’y serait certainement pas pris comme ça…

- Ensuite, ce bar doit aussi faire des trucs pas nets, si tu remarques les hommes qui sortent béats du rideau à gauche du comptoir. Et, de plus, je me demande encore lequel est le plus discret, un bar glauque ou un trottoir.

Crystal réprima un sourire. Elle aussi avait remarqué le lourd rideau de velours rouge qui séparait la salle principale de la seconde. Un homme qu’elle observait depuis un moment s’était soudain levé, et y était rentré, non sans regarder deux ou trois fois derrière. Il craignait d’être vu. Se demandant se qui se cachait derrière le mystérieux rideau, elle avait patiemment attendu qu’un autre entre dans la pièce, ou en ressorte. Cela se produisit quatre autres fois. Crystal pu aisément remarquer que les hommes qui écartaient le rideau pour entrer étaient stressés, gênés. Ils avaient peur, même. Leur doigts moites peinaient à tirer le lourd tissus, ils devaient s’y reprendre à deux fois. Ils suaient à grosses gouttes, regardant dans tous les sens, s’épongeant le front, surveillant que personne ne les voyaient. Rassurés, ils s’épongeaient à nouveau le front puis retentaient leur chance. Ils n’essayaient que deux fois. Car au bout de la troisième, tous les regards étaient inévitablement tournés vers eux. Alors ils faisait comme si de rien, sortaient du bar en sifflotant. Quand ils réussissaient à entrer, ils étaient tellement heureux de l’avoir fait qu’ils restaient plantés là, de l’autre côté du rideau, sans penser à le refermer. Une femme dont la tenue n’avait pas dû coûter très cher en tissus s’approchait alors de lui. Il la regardait en arborant un sourire niais. Elle l’ignorait tout bonnement, et s’empressait de fermer le rideau. La suite était plus floue. Toujours est-il que les hommes ressortaient quelques minutes plus tard, l’air béats. Ils ne s’occupaient plus du regard des autres, alors, et sortaient en traînant les pieds, le regard perdu dans le vague. Qu’est-ce qui se cachait derrière le velours rouge du rideau ? Héroïne ? Les hommes ressortaient souvent avec la manche gauche relevée jusqu’au coude. Prostituées ? Des femmes en tenues très légères sortaient aussi de la pièce, de temps en temps, pour boire un verre au comptoir, puis y revenaient. On n’en saura pas plus. La fille blonde était arrivée avant que Crystal n’ait pu déterminer laquelle de ses hypothèses était la bonne. Imperturbable, celle-ci continua :

- Mais après tout, en tant qu’actuelle ou ancienne droguée, vous devez mieux savoir que moi ces choses là. Après tout, c’est pas comme si j’en étais une.

S’embrouillait-elle ? Non. Vu son air décidé et son regard transperçant, la jeune fille ne s’embrouillait pas le moins du monde.

- Les chats ne répètent pas les secrets, répondit Crystal après un moment. Les ivrognes, oui. Et les barmans aussi. Et moi ? Qui te dit que je suis celle que tu cherches ? Beaucoup de flics traînent dans les bras comme celui-ci, à la recherche de dealers.

La jeune fille ouvrit la bouche pour répondre, mais Crystal préférait s’éviter ça. Avec la logique dont elle faisait preuve dès le début, la fille lui aurait dit que, si elle disait ça, c’était qu’elle n’était pas de la police, qu’elle était bien la personne qu’elle cherchait, et que, de toutes façons, c’était trop tard pour revenir en arrière. Crystal aurait hoché lentement la tête, puis aurait continué, et dit ce qu’elle allait dire maintenant. Laisser la jeune fille parler reviendrait finalement au même, mais leur ferait perdre du temps. Et Crystal était persuadée que le patron avait tout entendu, et que, malgré les activités pas très nettes de son bar, il n’hésiterait pas à livrer les deux jeunes filles aux flics, ne serait-ce que pour un billet de cent dollars. Donc autant faire vite.

- Je ne me qualifierai pas de « droguée », enchaîna donc Crystal. Toi non plus.

Elle se tut, regardant la jeune fille blonde. On voyait de l’ennui dans son regard. De l’ennui, et du mépris. Ok. C’était peut-être une fille bien, après tout.

- Que cherches-tu vraiment ? demanda enfin Crystal, plantant son regard brun dans celui de la jeune fille.

Elle abandonnait son air de philosophe d’un soir pour passer aux choses sérieuses. Car elle avait vu un visage s’approcher de la vitre sale et embuée du bar. Une main avait éclairci le verre, en chassant la dite buée. Le visage s’était collé au carreau, et les avait fixées quelques secondes. Puis il s’était retiré. Peut-être n’était-ce rien. Mais peut-être était-ce très mauvais pour elles. D’un coup d’œil interrogateur et pressant, Crystal invita l’inconnue à répondre.

« -Que cherches-tu vraiment ? » C’était si compliqué que ça ? Je cherché un dealer pour avoir ma dose. La dame n’avait pas encore compris ? Je commençais vraiment à me dire que j’allais partir, oublié cette fille, chercher quelqu’un d’autre pour me renseigner. Si j’allais traîner du côté de Brooklyn, dans les petites ruelles, j’en trouverais bien un. Après tout, ce n’est pas comme si je n’avais que cette fille dans tous N-Y pour me trouver des petites pilules et autres agrément. Alors pourquoi je rester là sans rien faire. Peut-être parce que j’avais très envie de mettre ma main à la figure de cette fille, mais que els bonne manière qu’on m’avait inculqué m’en empêcher.

-Je crois que vous avez compris, ne me faites pas répéter une seconde fois. Si vous n’avez pas les informations qu’il me faut, dite-le moi. Et j’arrêterai de perdre mon temps ici.

Ce qui m’avait poussé à répondre, son coup d’œil en direction de la vitre. Et sur cette même vitre, un espace circulaire propre sur la vitre sale, un visage espion juste derrière. Quand il s’aperçu qu’elle le regarder était repartie aussi sec. Cette ruelle, ce bar. Ce n’était pas les bons endroits. Nous allions avoir des problèmes. J’avais parlé avec un ton chargé en sous entendus.

-Mais peut-être pouvons parler plus amplement dans un lieu plus chaleureux, et moins… A découvert.

J’avais prononcé les deux derniers mots à mi-voix, espérant qu’elle les entende. Une voiture passa dans la ruelle, et nous nous figeâmes toutes les deux. Après son passage, l’inconnue attendit qu’elle disparaisse pour me répondre.